Présidentielle 2025 en Côte d’ivoire.
Guillaume Soro, l’exilé fantôme qui continue de peser sur la présidentielle ivoirienne. Par BAHI Bernard Junior.
Source : Glouzilet News Edition -- (Agence GLOUZILET) Date : 12-09-2025 17:19:39 -- N°: 101 -- Lu : 1262 fois -- envoyer à un ami
La carte des trois pays de l'Alliance des États du Sahel ( AES).

Guillaume Soro vit sur le territoire de l'AES.
Depuis 2019, Guillaume Soro vit un exil forcé, frappé par un mandat d’arrêt international et une condamnation à perpétuité en Côte d’Ivoire. Pourtant, chaque rumeur de son retour déclenche une onde de choc politique et médiatique. Est-il rentré clandestinement ? S’est-il réfugié dans une église catholique, avec la complicité présumée du presbytère ? Autant de spéculations qui transforment son absence en présence obsédante, perçue comme l’annonce d’un ouragan imminent.
Cette obsession autour de Soro révèle un paradoxe troublant : est-ce lui qui doit craindre le pouvoir et le peuple, ou le pouvoir et le peuple qui doivent craindre sa seule évocation ? La réponse se trouve sans doute dans son passé et ses déclarations. Ancien chef de la rébellion armée des années 2000, Soro incarne pour certains les plaies encore béantes de la crise ivoirienne.
Pour d’autres, ce sont ses propos de 2020 promettant la perte du pouvoir d’Alassane Ouattara par « tous les moyens, militaires et civils » qui nourrissent une peur persistante. Ses apparitions supposées ou annoncées suffisent à troubler la quiétude des citoyens, surtout en période électorale où la société reste vulnérable et hypersensible aux signaux de tension.
Présence politique versus candidature officielle.
Bien qu’il n’ait pas officiellement déposé sa candidature à la présidentielle d’octobre 2025, Soro reste au centre du jeu politique. En mai 2023, il affirmait qu’« aucune raison » ne l’empêchait de se présenter et incitait les cadres de son mouvement, Générations et Peuples Solidaires (GPS), à consolider leur ancrage local.
Cette stratégie illustre une approche subtile : demeurer influent et incontournable, sans franchir formellement le seuil électoral, tout en préparant le terrain pour peser sur les choix politiques et les alliances de l’opposition.
Les obstacles juridiques : un frein qui nourrit la légende.
Condamné en 2021 pour « atteinte à la sûreté de l’État », Soro conteste une décision qu’il juge politisée. Si la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a suspendu le mandat d’arrêt, les autorités ivoiriennes n’ont pas donné suite.
Cette ambiguïté judiciaire entretient une image paradoxale : celle d’un homme traqué mais aussi perçu comme victime de persécution politique. Ce statut ambigu ne le neutralise pas : au contraire, il alimente son aura et renforce le mythe d’un leader qui dérange et inquiète.
Alliances et stratégies : une influence en réseau.
Depuis l’étranger, Soro continue d’agir. Il s’oppose fermement à un éventuel quatrième mandat d’Alassane Ouattara et cherche à bâtir des coalitions, notamment avec d’autres figures de l’opposition comme Laurent Gbagbo. Sa capacité à tisser des alliances, à parler à une base encore active et à influencer le débat national démontre que sa voix reste décisive. La présidentielle de 2025 ne se jouera pas uniquement dans les urnes, mais aussi dans les calculs, les coulisses et les négociations — un terrain où Soro a déjà prouvé son savoir-faire.
Le droit au retour : entre légitimité et anxiété.
Tout citoyen a le droit de revenir dans son pays. Mais quand ce droit, incarné par Soro, devient synonyme de crispation, il révèle la profondeur des blessures nationales. Ses annonces de retour, réelles ou fantasmées, créent moins une attente démocratique qu’une anxiété collective. Cette peur, nourrie à la fois par son passé militaire et ses menaces de 2020, témoigne d’une société encore hantée par ses propres fantômes.
Des précédents africains : l’exil comme arme politique.
Le cas de Guillaume Soro n’est pas isolé. L’Afrique a souvent vu émerger des figures dont l’exil a paradoxalement renforcé le poids politique. Jean-Pierre Bemba en République Démocratique du Congo, longtemps détenu à La Haye, est revenu sur la scène congolaise comme un acteur incontournable malgré son éloignement forcé.
Raila Odinga au Kenya, contraint à l’exil dans les années 1980, est revenu pour devenir l’un des principaux challengers du pouvoir et incarner une opposition durable. Plus loin encore, Félix Tshisekedi a hérité de la légitimité de son père Étienne, longtemps marginalisé et combattu par le régime. Ces exemples montrent que l’absence physique ne dissout pas l’influence politique : elle la transforme, parfois en mythe, parfois en capital de légitimité.
Un révélateur des fragilités du système ivoirien.
Au-delà de sa personne, Soro cristallise les failles d’un système politique encore dominé par la peur, la mémoire des crises et la défiance réciproque. Le débat autour de lui met en lumière une démocratie qui peine à dépasser la logique des menaces et des postures.
La vraie question n’est pas seulement celle de son retour, mais celle de la capacité de la Côte d’Ivoire à briser le cercle vicieux de la peur, à restaurer la confiance et à réconcilier durablement ses citoyens avec leurs institutions.
Et après 2025 ? Une démocratie à l’épreuve de ses fantômes.
La présidentielle de 2025, avec ou sans Guillaume Soro sur la ligne de départ, posera un test crucial pour la démocratie ivoirienne. Si le pays continue de traiter la peur comme un instrument de gouvernance ou d’opposition, il restera prisonnier de ses crises passées. Mais si les acteurs politiques choisissent de dépasser les rancunes, de normaliser la compétition démocratique et de reconnaître la pluralité des voix — y compris celles qui dérangent — alors la Côte d’Ivoire pourra entrer dans une ère nouvelle. Le défi n’est pas seulement électoral, il est historique : il s’agit de transformer un « retour fantôme » en opportunité réelle de réconciliation nationale.
BAHI Bernard Junior
Enseignant, chroniqueur, analyste politique et géopolitique, citoyen engagé.
Auteur : BAHI Bernard Junior.
Mise en page et illustration :
ADJI Dagbo (glouziletnews.com).
Agence Gouzilet
Paris le 12 Septembre 2025
Vous êtes écrivain ou amateur de lecture!
Afin de faire la promotion ou de partager les livres que vous avez lu, vous pouvez les afficher dans votre librairie…
Ajoutez un livre

